Cet article rend compte principalement de la lecture de l’essai Qu’est qu’une plante ? de Florence Burgat paru aux éditions du Seuil en 2018. La philosophe propose une phénoménologie de la vie végétale, tout en se référant à de nombreuses lectures (philosophie, psychologie, droit, sciences de la nature, etc.). Cet article renvoie à d’autres ouvrages dans une moindre mesure dont les références sont données dans la bibliographie. Il n’a pas pour but de convaincre, mais d’amener une réflexion sur le monde des plantes, de nous interroger sur notre propre vision, tout en restant reliés à une réalité scientifique. À chacun de prendre ou pas ce qui lui semble juste.
Être humain, être animal, être végétal.
Une nouvelle croyance ou un retour vers une ancienne croyance – l’animisme – tend à faire imaginer que les plantes vivent, souffrent et meurent comme les humains. C’est un courant que Florence Burgat qualifie d’anthropologie de la nature. Tout en affirmant que les plantes souffrent, cette anthropologie de la nature conduit à considérer que la souffrance est universelle et donc qu’il n’est pas plus moral de manger une plante qu’un animal.
« Pourquoi serait-il plus éthique de faire souffrir une carotte qu’un lièvre ? »1.
Une telle pensée conforte l’idée que l’être humain ne peut survivre qu’en infligeant la souffrance. La plante est identifiée à l’animal. Or ce sont deux formes de vie très différentes.
Tout d’abord, une question de langage :
Le langage humain n’est pas adapté pour traduire la vérité de la vie végétale, car il le fait depuis le point de vue de notre espèce. La forme de vie végétale est dite « fixée ». Les plantes bougent, mais ne se déplacent pas, simultanément elles possèdent de grandes capacités d’adaptation. Faut-il pour autant parler d’intelligence ? En appliquant ce terme, on ne différencie pas la plante en tant que forme de vie spécifique. On lui attribue une propriété reconnue chez l’humain et chez l’animal.
Une comparaison impossible
Le philosophe de l’antiquité Théophraste recommandait déjà de ne pas observer les plantes en les assimilant aux animaux :
« Il faut absolument éviter de tout considérer en l’assimilant au cas des animaux. C’est pourquoi le nombre des parties d’une plante reste indéterminé : elle peut pousser de partout, puisqu’elle vit de partout« 2.
Une conséquence de cette comparaison a été de considérer qu’une plante est « un animal renversé », car elle se nourrit de bas en haut. En réalité, les différences sont beaucoup plus complexes. Une connaissance analogique se base sur ce qui est visible et les plantes donnent beaucoup à voir, même leurs organes de reproduction. Pourtant, elles possèdent aussi des éléments cachés. La reproduction hermaphrodite des plantes très différente de celle des animaux est ainsi restée longtemps peu décrite. Certaines plantes dites dioïques ont des fleurs mâles et femelles de pieds distincts. Et parmi elles, certaines mutent pour de femelles devenir mâles. Les plantes monoïques possèdent les fleurs mâles et femelles sur le même pied. Il existe même des plantes qui possèdent à la fois des fleurs mâles, femelles et bisexuées. En outre, pour se reproduire, la plante n’utilise pas uniquement son système de fécondation. Elle fabrique aussi des radicelles ou des rameaux qui en se plantant dans la terre vont croître par eux-mêmes. Les plantes ne meurent pas d’être fractionnées, elles s’autoproduisent et ne résultent pas de la rencontre de deux individus distincts.
Sa nature fixe et silencieuse fait de la plante un être dont nous n’arrivons pas à concevoir la propre nature. Nous le faisons toujours par l’intermédiaire de nos propres représentations. La plante est fixe, mais cela ne l’empêche pas de se nourrir et de se reproduire. Ce qui la différencie des animaux. Remarquons que les champignons sont classés à part, car ils absorbent des matières organiques extérieures à eux pour se nourrir.
La plante respire sans poumons, se nourrit sans bouche ni estomac, se dresse sans squelette, est dotée de sensorialité sans cerveau. Les scientifiques définissent chez les plantes une sensibilité de l’ordre de la perception. La plante grâce aux divers éléments qui la composent a la capacité de percevoir les caractéristiques de son environnement comme un signal et d’y répondre par des réactions moléculaires en modifiant son activité. De plus, ce sont souvent des parties spécifiques qui réagissent et non la plante en entier (par exemple, ses fleurs, ou même ses pétales).
Une question de sensibilité.
Peut-on pour autant parler de sensibilité ? Si l’on considère que la sensibilité est la propriété de la matière vivante de réagir à l’action d’un agent externe ou externe, oui. Mais, si la sensibilité est définie comme la propriété des êtres vivants d’éprouver des sensations, de recevoir des informations par l’intermédiaire de leur système nerveux et de leurs récepteurs spécialisés et d’y réagir de façon adaptée, non. De ce point de vue en effet, la capacité d’éprouver des sensations implique qu’elles soient vécues et donc qu’elle s’accompagne de la subjectivité. Cette sensibilité implique qu’il y ait la présence d’un système nerveux qui permet d’éprouver des impressions produites par l’extérieur ou l’intérieur. La sensibilité a été reconnue aux animaux à partir du moment où on a pu considérer qu’ils font l’expérience de la souffrance de façon individuelle et subjective.
Qu’est-ce qui pourrait caractériser la vie végétale comme une vie consciente ?
Il faudrait d’abord qu’il y ait une psychée végétale. Les études ont montré que les mouvements des plantes sont déterminés par le milieu. Elles réagissent à un ensemble de stimuli. Elles n’ont pas de rapport subjectif avec leur alimentation. Rien ne prouve qu’elles perçoivent leurs éléments nutritifs comme des objets distincts. Ce n’est pas le cas de l’animal qui identifie une nourriture et va s’en emparer, ou qui identifie un prédateur et s’enfuit.
Les plantes vues comme des humains
Florence Burgat attire notre attention sur une littérature actuelle qui tend à anthropomorphiser la nature. Elle cite La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben3. L’auteur est convaincu que les arbres ont un comportement social semblable à celui des sociétés humaines. Selon lui, ils ont des relations filiales, font preuve de compassion, regrettent leurs morts, manifestent des caractères particuliers, etc. Stefano Mancuso publie à son tour L’intelligence des plantes4 et leur prête une intentionnalité. Florence Burgat fait remarquer que si on reproche beaucoup aux scientifiques d’anthropomorphiser les animaux, on n’émet pas de réserve sur cette anthropomorphisation des plantes. En réalité, considérer que les plantes sont des personnes ne nous empêche pas de continuer à les cultiver et à les consommer, à les raser quand elles prolifèrent dans nos parcs et jardins. En effet, ces auteurs défendent la thèse que les plantes auraient délibérément choisi de se fixer et de développer un autre mode de survie. Il y aurait un accord tacite entre les plantes et les humains : elles subviennent à leurs besoins et en retour, ceux-ci les protègent, les cultivent et les propagent.
L’anthropomorphisation comme modèle d’observation des plantes permet de rendre accessible à notre entendement le règne végétal. Nous le craignons moins et nous le respectons plus. Cette vision n’est pas reconnue par les scientifiques qui ne retiennent pas l’existence d’une cognition végétale. Or, ces auteurs présentent cette vision du monde végétal comme une vérité. Ils assimilent deux règnes vivants aux fonctionnements très différents sans mettre leurs assertions à l’épreuve. Certes, le projet est celui de redonner sa place au monde végétal quand il a été relégué au plus bas de l’échelle, mais cela se fait au détriment d’une approche scientifique.
L’animisme et le totémisme qui attribuent une âme aux êtres naturels, ou qui en font la base de l’organisation sociale, ne sont pas des sciences, mais des formes de religion reposant sur des croyances.
L’exemple de l’arbre
Les plantes ne vivent pas dans un monde de signes et encore moins de représentations. Nous pensons ainsi parce que nous considérons les plantes comme si elles avaient un cerveau et un système nerveux. Lorsque nous pensons ainsi nous appliquons un système de construction qui nous est propre, mais qui n’est pas celui de la plante. Il peut nous être utile, mais il ne correspond pas à la réalité.
Des auteurs comme Sylvie Verbois ou Patrice Bouchardon qui travaillent avec la présence des arbres ne l’anthropomorphisent pas pour autant.
Sylvie Verbois5 rappelle avec des mots précis empruntés au langage botaniste que les racines de l’arbre fertilisent le sol et l’enrichissent. Il régule l’eau du sol ainsi que l’humidité de l’air par son appareil racinaire et son tapis de feuilles mortes. Il prévient l’érosion, aspire le trop-plein d’eau. Il assainit l’air en libérant l’oxygène et en transformant le gaz carbonique. C’est une barrière antibruit naturelle. Il filtre les poussières du milieu urbain. L’arbre nous renseigne sur le passé par ses anneaux de croissance. Il est indispensable à la vie sur terre.
« L’arbre est un être vivant qui fait partie du paysage, mais nous n’y prêtons pas attention, pas plus que nous ne sommes attentifs à ce qui est vivant en nous et autour de nous. » écrit Patrice Bouchardon6.
Au milieu de la forêt, nous pouvons sentir que la vie est présente autour de nous. Le fait de découvrir cette présence vivante autour de nous procure de la joie et un sentiment de plénitude. L’expérience vécue avec l’arbre est une métaphore de la façon dont nous menons notre vie, de notre relation à nous-mêmes, d’autant plus qu’il se dresse entre ciel et terre, comme l’être humain. L’arbre est aussi un symbole.
L’approche des arbres est une expérience de développement personnel, de thérapie, d’art. La nature inspire la créativité humaine et offre des applications multiples dans ces domaines.
Une différence radicale difficile à accepter
Lorsqu’on renonce aux modèles d’observation analogique, zoomorphique ou anthropomorphique, il reste un modèle entièrement centré sur les plantes, que l’on désigne parfois comme « phytocentrisme ». On se heurte alors à une différence radicale. Comment comprendre une autre vie que la nôtre sans lui appliquer nos normes ? Les plantes présentent une forme lacunaire par rapport à nous. Elles n’ont pas d’yeux, pas de nez ou d’oreilles pour percevoir. Elles ne crient pas, ne se plaignent pas, ne s’agitent pas autrement que par le vent, ne s’enfuient pas même quand elles sont menacées. On n’a pas pu vérifier qu’il existe une intériorité chez la plante, ou qu’elle possède un psychisme individuel. Ce qui a été prouvé pour les animaux. La relation qu’elle entretient avec son environnement est de l’ordre de la poussée, de la croissance et de la reproduction, sans déplacement. Elle est dépourvue de système nerveux et moteur. Elle est fixe, mais elle bouge. Ses mouvements sont orientés vers le dehors. Elle ne revient pas vers son centre. Elle n’aurait donc pas de conscience d’elle-même. Pourtant, elle vit et se répand envers et contre tout.
Le problème de cette définition est qu’elle est négativiste. La plante est ainsi vue comme un être déficient. Pour être positif, on pourrait dire que la vie végétale est fixe, tout en étant capable d’automouvements. Elle ne connaît pas l’angoisse d’une menace extérieure et l’incertitude de sa survie. Sa principale stratégie est de s’adapter à son environnement pour pousser et se reproduire malgré l’adversité de ce milieu parfois hostile, même extrême. Elle est aussi capable de renaître de ses résidus lorsqu’elle a été endommagée gravement.
Peut-être est-ce cette force de vie que nous aimons contacter quand nous passons un moment dans la nature ? Nous entrons alors en communication dynamique avec le monde végétal dans lequel notre ego se dilue et nous nous relions à une chose très différente de nous. Nous oublions les agressions de notre vie quotidienne. Cette plongée nous apporte du bien-être. Pour certains cependant, elle peut être anxiogène, car c’est aussi la rencontre avec une vie que ne fait qu’exister, tout à fait étrangère à la nôtre. On se confronte alors à une sensation d’indifférence et de vide.
Qu’est-ce que l’être d’une plante ?
Si l’on prend le principe de stimulus-réponse comme critère de base, on peut considérer que la vie végétale, la vie animale et la vie humaine sont égales et dépendantes de leur environnement. Mais, si l’on se base sur le principe des modes d’être, du vivre, alors il faut considérer chaque forme de vie comme spécifique tenant compte de la diversité de ces modes de vivre. On distingue ainsi « la vie », comme une poussée et une force, et « le vivre » comme la vie vécue, l’expérience d’un être vivant distinct dans son espace particulier. De ce point de vue, la plante se trouverait du côté de la vie dans la mesure où elle n’est pas un être mortel au sens où elle peut renaître des ses propres éléments, où elle est fixe et ne manifeste pas de conscience d’elle-même. Elle n’agit pas en tant que sujet qui désire, ressent, est affecté et confronté en permanence à sa propre mort.
Le monde des plantes
Pourquoi ne pourrait-on pas dire que la plante est un individu et a un monde spécifique ? Cela reviendrait à affirmer que la plante a la capacité de construire et de maîtriser son milieu. Les plantes ont un environnement propice à leur survie avec lequel elles ont un rapport spécifique. Elles ne répondent pas à ce milieu comme des individus singuliers, ayant une histoire inscrite dans leur propre psyché (comme un chat qui peut revenir sur son lieu de naissance en parcourant des kilomètres). Elles réagissent en tant qu’organisme vivant, mais pas en tant qu’individu. Elles ne manifestent pas d’activité intentionnelle, ni d’existence expérientielle, pas d’inquiétude par rapport à cette activité. Elles croissent spontanément là où elles ont poussé, en lien direct avec ce milieu. Elles absorbent ce qu’il leur donne.
Pour qu’elle soit un individu, il faudrait que la plante ait un « soi ». Si on considère qu’un soi se traduit par un mouvement autonome, une grande faculté de médiation avec son milieu, on peut dire que la plante est dotée d’un soi. On pourrait aussi dire que la plante se soucie d’elle-même afin de se maintenir en vie face aux menaces inhérentes à l’environnement. Mais elle ne manifeste pas de désir de se différencier des autres. Elle ne manifeste pas non plus de volonté de maîtriser son milieu ni d’inquiétude par rapport à sa précarité. C’est une forme de vie diversifiée, caractérisée par la reviviscence, par un fonctionnement en réseau qui ne répond cependant pas aux critères d’unité, donc d’individuation.
La plante serait alors un être désindividualisé. L’individu se déplace, explore ce qui lui fait face. Il doit à la fois rester lui-même et s’adapter. L’être qui ne se déplace pas est mû par son environnement. Il ne connaît pas la tension de devoir rester lui-même tout en explorant son milieu pour survivre et se reproduire. La plante se propage et s’étend sans se déplacer. Elle évolue là où elle est et pour se reproduire, elle essaime. Elle ne cherche pas à se distinguer de son milieu. Elle a peu de besoins et se suffit à elle-même.
Et quel est le rapport au temps de la plante ? La plante qui renaît perpétuellement est dans un système temporel différent de celui de l’humain ou l’animal. La plante est dans un système ouvert. Elle ne meurt pas complètement, elle ne s’achève jamais.
Abattage
L’abattage met un terme définitif à la vie de l’animal. Couper un arbre, ou cueillir une fleur ne l’empêche pas de renaître à partir de sa souche ou de ses racines. Cependant, la destruction des arbres et le saccage des milieux naturels sont répugnants tant pour leurs conséquences que pour ce qu’ils sont eux-mêmes : une capacité à détruire, un mépris et une mise en danger de tous les êtres vivants, végétaux, animaux et humains. La nature est indispensable à la vie. Tout ce qui la compose – l’eau, l’air, la terre, les minéraux et les végétaux, les animaux – forme un ensemble hétérogène. De ce fait, la protection de la nature est indispensable. Mais la vie des végétaux qui est non individuée et non subjective requiert des outils juridiques appropriés et qui permettent leur préservation. Il s’agit de faire valoir la valeur intrinsèque de la nature et non de ne considérer que sa valeur instrumentale (le fait qu’elle est indispensable à la vie). Or souvent, la protection de la nature reste instrumentale, par exemple, la lutte contre la pollution des mers se préoccupe surtout de préserver les poissons que nous pêchons pour nous nourrir.
On distingue deux tendances dans la tentative de donner des droits aux végétaux : le biocentrisme qui considère que tout être vivant est moralement considérable et l’écocentrisme qui considère que les espèces et les écosystèmes sont moralement considérables. Florence Burgat fait remarquer que si l’on considère que les plantes, les sols et les eaux sont moralement considérables, on doit leur appliquer les mêmes droits qu’aux autres êtres vivants, et cela implique que nous ayons des devoirs directs envers ces êtres vivants, comme nous en avons envers les êtres sentients. Parmi ces droits est celui de les autoriser à disposer librement d’eux-mêmes. Or, nous n’appliquons déjà pas ces devoirs envers les animaux. Par ailleurs, peut-on considérer les besoins des végétaux comme le fondement des devoirs envers eux alors qu’ils ne ressentent pas le manque et n’éprouvent pas d’émotions ? En réalité, si nous voulons défendre les arbres, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais parce qu’ils sont indispensables aux futures générations. Malheureusement, Florence Burgat et d’autres philosophes comme Élisabeth Fontenay, ou encore des juristes, constatent que les défenseurs du biocentrisme – les écologistes – ne s’intéressent pas aux animaux en tant qu’individus. Tandis qu’ils voudraient attribuer le statut moral à des espaces écologistes, ils ne considèrent le bien des espèces animales souvent qu’à partir du moment où elles sont en voie d’extinction. De ce point de vue, les animaux sont intégrés dans l’environnement, mais ils ne sont pas considérés comme des individus et ils sont gérés et régulés comme des objets.
Ces mouvements ont cependant contribué à remettre en question la position centrale de l’humain et la main mise qu’il s’octroie sur la nature. Ils proposent une vision hétérogène de la vie comme un ensemble d’entités vivantes. Mais on peut reprocher à cette vision d’être floue, de noyer les contours.
En conclusion, les plantes souffrent-elles ou pas ?
Nous avons vu que l’anthropomorphisation des plantes menant à considérer qu’elles souffrent comme les animaux et les humains, manifeste chez certains auteurs actuels, ne repose pas sur un travail scientifique. Si la souffrance animale a pu être expérimentée et constatée, celle des plantes ne l’a jamais été. Selon Florence Burgat, brandir la souffrance des plantes permet surtout de rejeter l’argument de la souffrance des animaux. En effet, que les plantes souffrent et que nous continuons pour autant à les manger, justifie qu’on peut continuer à manger les animaux bien qu’ils souffrent. Ainsi Peter Wohlleben écrit :
« nous utilisons des êtres vivants qui sont tués pour satisfaire nos besoins, il est inutile d’enjoliver la réalité. Pour autant, est-ce blâmable ? Nous sommes aussi partie intégrante de la nature et ainsi constitués que la substance organique d’autres espèces vivantes est indispensable à notre survie.«
Il faudrait simplement éviter aux arbres que l’on abat de souffrir. Ce discours rassure sur le fait qu’il n’y a rien de mal dans le fait de continuer à manger des animaux si on leur évite la souffrance. Il déculpabilise ceux qui auraient pu commencer à se poser des questions. Enfin, il propose qu’on laisse les arbres communiquer entre eux, qu’on en épargne une partie et qu’on les laisse vieillir en paix, ce que par ailleurs, il n’envisage pas pour les animaux.
La plupart des botanistes constatent qu’il n’y a pas de signes probants de vie intérieure chez les végétaux, or toute vie intérieure est liée à une forme de conscience. Aucun indice ne permet de reconnaître que les plantes ont une conscience. Ils précisent que rien de semblable n’est observable chez les plantes. Ils soulignent que l’utilisation des plantes en vue de la conservation de la vie humaine est moralement justifiée. Ils ne parlent pas du fait qu’elle est aussi importante pour les autres êtres vivants qui se nourrissent de plantes. Pourquoi ? Parce que ceux-ci ne menacent pas la nature de destruction. Seuls les êtres humains ont le pouvoir de détruire et polluer la nature. De même, la Déclaration des droits des arbres ne mentionne pas la souffrance des arbres, mais les effets négatifs que peuvent avoir les pratiques humaines. Ce texte appelle à respecter les arbres comme « des monuments naturels » pour ceux qui sont jugés remarquables et à exploiter les autres dans le respect de leurs cycles de vie.
Ainsi, selon Florence Burgat, la philosophie végétale ne consiste pas à être phytocentré et à renoncer aux droits qui concernent les individus psychosensibles. En tant qu’être humain, nous avons des ressemblances psychiques avec les espèces animales. Cette vie de conscience qui nous caractérise se manifeste aussi chez les oiseaux, les poissons et les céphalopodes comme l’ont montré les études actuelles.
Ainsi, les spécialistes et les études menées tendent à montrer qu’il n’y a pas de vie consciente chez les plantes, notamment qu’elles ne sont pas des formes de vie individuées et subjectives. Il n’y a pas de souffrance physique et psychique chez elles. Si la nature est actuellement le centre d’un tel intérêt et d’une anthropomorphisation, ou d’un écocentrisme, c’est sans doute selon Florence Burgat parce que cette forme de vie perpétuelle, enracinée et paisible nous fascine alors qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes confrontés à notre finitude.
Bibliographie
1 Dominique Lestel, Apologie du carnivore, eds Fayard, 2011.
2 Théophraste, Recherches sur les plantes, tome 2, livre 4.
3 Peter Wohlleben, La Vie secrète des arbres, eds Les Arènes, 2017.
4 Stefano Mancuso et Alessandra Viola, L’Intelligence des plantes, eds Albin Michel, 2018.
5 Sylvie Verbois, Les Arbres guérisseurs, eds Eyrolles, 2019.
6 Patrice Bouchardon, L’Énergie des arbres, eds Le Courrier du livre, 2003.
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