Les oiseaux sont les descendants d’un groupe de dinosaures appelés théropodes et le résultat d’une longue et lente évolution. Pourtant, à présent, beaucoup d’entre eux sont menacés de disparition en raison du changement climatique déclenché par l’action de l’être humain. Ce changement est trop rapide et ils n’auront pas le temps de s’adapter.

« L’oiseau est un animal ovipare appartenant à la classe des vertébrés tétrapodes, à sang chaud, au corps couvert de plumes, dont la tête est munie d’un bec corné, dépourvu de dents, dont les membres postérieurs sont des pattes et les membres antérieurs des ailes, ce qui le rend le plus souvent apte au vol » (définition du CNRTL). L’oiseau est très différent de nous, et à la fois très présent dans notre univers réel et imaginaire.
L’oiseau est un être ritualisé. Il reconstruit son nid chaque année à la même époque et au même endroit. Il vit dans l’instant et son existence est rythmée par ses besoins. Pourtant, il est aussi capable d’une grande adaptation en fonction des saisons et des conditions climatiques. Cette capacité d’adaptation ne suffit pourtant pas à surmonter les épreuves du changement climatique actuel et de la dégradation de l’environnement à grande échelle que l’être humain a générés.
Qu’est-ce qui pourrait nous inciter à agir pour sa préservation ? Au début, juste un peu de curiosité pour lui ?
Il vit et s’adapte tant que sa santé et les facteurs extérieurs le lui permettent. Certes, il ne « mentalise » pas comme nous, mais il a une perception de sa vulnérabilité et de sa finitude, sinon il ne fuirait pas. Il connaît la peur et il peut en mourir (crise cardiaque, etc.). S’il connaît la peur pourquoi n’éprouverait-il pas d’autres émotions ? Que connaissons-nous au juste de sa vie intérieure ?
Nous estimons les oiseaux moins intelligents que nous parce que nous utilisons des critères humains pour caractériser leur intelligence. Or, pour certaines activités, les oiseaux sont plus compétents que nous. Certaines de leurs facultés sont plus développées que les nôtres, en particulier sur le plan de l’orientation et de l’adaptation.
Le plumage est essentiel pour voler (ainsi que leurs os creux), mais il a d’autres fonctions. Il joue un rôle comportemental très important : dans la communication avec ses congénères, lors de la parade amoureuse. Le plumage est un artifice pour s’exhiber, et simultanément, il est nécessaire à la survie. Cependant, il ne résulte pas d’un choix vestimentaire. Le mâle porte généralement des couleurs vives, alors que la femelle est pourvue d’un plumage plus discret qui a pour intérêt qu’elle se fond dans le milieu naturel.
Chez les oiseaux, le comportement sexuel relève d’une stratégie liée à la pérennisation de l’espèce. Les manifestations « amoureuses » sont dictées par un mode de reproduction. Les pratiques peuvent être parfois brutales, voire fatales pour la femelle, chez les canards par exemple, ou alors, patiente et délicate comme chez les sternes qui vont jusqu’à apporter des cadeaux à la femelle convoitée. On peut éprouver de la compassion pour la cane blessée, et tenter de la sauver quand c’est possible, et de l’admiration pour le sterne. Ou ne pas intervenir si on juge que ce n’est pas notre responsabilité. Les mots humains ne peuvent rendre compte d’une réalité animale où notre éthique est inappropriée.
Selon les espèces, c’est la mère ou le père qui couve et nourrit les petits, parfois les deux. Néanmoins, la façon d’élever les oisillons peut beaucoup varier, entre le rejet précoce, ou au contraire le lien maintenu jusqu’après le premier hiver, le recours à l’élevage des petits en groupe. Toutefois, le sevrage est toujours assez brutal, voire agressif. Les cas d’adoption ne sont pas rares chez les oiseaux, en dehors de celle imposée par le coucou.
Nous, êtres humains nous réprouverions la stratégie de sevrage des oiseaux appliquée à nos enfants. Nous gardons nos enfants « à la maison » souvent jusqu’à l’âge préadulte. Jusqu’à la fin de notre vie, nous veillons sur eux, dans le meilleur des cas. Pourtant, à l’adolescence, le jeune humain ressent le besoin de gagner en indépendance et entre en conflit avec ses parents. Les parents, malgré l’inquiétude que peut engendrer l’idée de laisser leur enfant agir seul, peuvent avoir envie de moins s’engager, tout au moins physiquement.
Les modes d’éducation chez l’humain et chez les oiseaux sont modelés par la structure de la société, de la vie en groupe. Ils sont très différents, mais à y regarder de plus près, comportent certaines similitudes qui ne laissent pas indifférents.
Nous ne connaissons pas l’univers intérieur d’un oiseau. Nous pouvons l’observer, et discerner certaines capacités ou particularités. Celles-ci peuvent nous inspirer du respect, si ce n’est une vision plus ouverte sur la différence, voire un enseignement. Cela dépend de la relation que nous souhaitons avoir avec eux.
Dans cet article, il sera question de quelques oiseaux familiers dont une particularité peut nous surprendre, et pour ceux que cela intéresse, faire naître une réflexion. D’abord, une description ornithologique donnera des informations sur cet oiseau, puis une spécificité sera développée. Puisqu’il est question des oiseaux, un jeu avec la langue des oiseaux sera l’occasion de nourrir cette réflexion.
L’OISEAU, l’être qui vole, aussi haut (O SI EAU), mais qui tout comme nous a un besoin vital d’eau et est également constitué d’eau (SOI EAU). Soit l’eau, écoute l’eau (OI), émotionnelle, bienveillante. Toi petite créature de ciel et d’eau. Le mot OISEAU est composé de cinq syllabes pour une consonne. C’est un souffle, un souffle de mille sens, dans un corps léger, comme l’air.
Le Canard : éclipse et victoire contre la pesanteur.
Anas platyrhynchos (en latin) – Mallard (en anglais)
Le canard colvert est le plus commun des canards dits « de surface ». Ils n’ont pas la capacité de plonger en raison de leur morphologie. Le colvert mâle nuptial se reconnaît tout de suite à sa tête et à son cou d’un vert brillant. Le plumage de la femelle est brun et roux.
« La femelle émet un « ouink » sonore, répété. C’est elle qui émet le cancanement bien connu, une suite d’une même syllabe, plus rapide et allant décrescendo « OUINK OUINK ouink ouink ouink… » Le mâle émet au vol un cri nasillard de tonalité élevée « heinh heinh heinh… » En parade, il produit des coups de sifflet sonores. Les canards ont aussi un « vocabulaire » de groupe varié, mais intranscriptible. »
(Note de l’auteur : la description du chant des oiseaux figurant dans cet article est empruntée au site https://www.oiseaux.net, le texte a été synthétisé. Sur ce site, vous trouverez des enregistrements de ces chants).
Le canard colvert n’est pas exigeant en matière d’habitat. Il fréquente les milieux humides, sans distinction (étangs, mares, lacs, rivières, etc.) Alors que lors de la parade nuptiale les plumes sont colorées, pendant la saison d’hivernage, les mâles arborent un plumage discret, rappelant celui de la femelle. L’oiseau attend que les plumes essentielles repoussent et se met en retrait pendant cette période. C’est un temps de fragilité. Lors de cette transition, les canards en mue peuvent avoir des difficultés temporaires à voler. C’est ce qu’on appelle le temps d’éclipse de plumage. Expression poétique pour désigner la période où l’oiseau « se pose » pour reconstituer son plumage.
Cette expression vous inspire-t-elle ? Pourriez-vous avoir envie d’un temps d’éclipse pour vous ressourcer et vous reconstruire après un évènement difficile, ou lorsque vous vous sentez usé par le quotidien ? Que cela s’inscrive dans le cours naturel de votre vie, sans être obligé de demander un congé ?
Avec les lettres du mot CANARD, on peut écrire RADAR. Comme tous les oiseaux migrateurs, il a une grande capacité d’orientation. Un radar interne, dirions-nous. CANARD est la racine du verbe CANARDER : « Tirer sur quelqu’un des coups répétés en restant soi-même à couvert » CNRTL. Du 17e siècle au 20e siècle, canarder veut dire « chercher à atteindre en tirant d’un lieu où l’on se tient caché, comme dans la chasse au canard sauvage ». Au 19e siècle, canarder signifie imiter le cri du canard et par extension, produire des sons nasillards.
Malgré sa grande capacité d’orientation, on comprend que le canard est une proie facile pour les chasseurs, notamment pendant la période où il s’attarde à terre… On pourrait dire non sans cynisme qu’il se fait « pigeonner » ou qu’il est le « dindon de la farce », malheureusement pour lui. Dans les meilleures conditions, il peut vivre 29 ans.
« Onze canards en formation font le V de la victoire de la pesanteur ».
Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages, Sylvain Tesson.
Coucou le grand voyageur, voilà le printemps !
Cuculus (canorus, gris).
Le coucou gris mâle adulte et la plupart des femelles adultes ont un plumage composé de dégradé de gris. Les parties inférieures sont blanches, crème au niveau du ventre et des sous-caudales. La longue queue est nettement tachetée et terminée de blanc.
« Le chant du Coucou gris mâle est le « cou cou » bien connu, de tonalité élevée, la première note un peu plus haute que la seconde. Ce chant est émis presque bec fermé. Il arrive que la première note soit doublée dans l’excitation « cou cou cou ». La phrase se termine parfois par une suite de trois ou quatre notes dures « Hah hah hah hah ». La femelle répond par une suite précipitée de notes sonores allant décrescendo : « couikcouikcouikcouik… »»
Le Coucou gris fréquente une grande variété de milieux : bois, prairies, rivières et marais. Il a une préférence pour les milieux humides. C’est un grand migrateur nocturne. Les oiseaux européens gagnent l’Afrique, dès le mois de juillet pour les adultes et jusqu’en octobre pour les juvéniles, par le détroit de Gibraltar et le Moyen-Orient, mais également par l’Italie, la Sicile ou la Grèce via la Crète, avec long survol de la Méditerranée. Le retour sur les lieux de reproduction a lieu surtout en avril-mai.
Le couple de coucous ne se rencontre que pour se reproduire. La femelle pond son œuf dans le nid d’une autre espèce et s’en va. Les parents-hôtes nourrissent le petit qui sort de l’œuf souvent plus gros qu’eux, et qui élimine les autres oisillons en les poussant hors du nid. Élevé par des parents adoptifs très différents de ses propres parents, il retournera vers les membres de son espèce à la maturité sexuelle. Il n’est pas imprégné par l’espèce hôte. En été, il s’envole vers l’Afrique seul, et revient dans la région où il est né six mois plus tard. Il peut vivre 13 ans.
Le coucou nous montre l’importance de l’inné et de l’instinct dans la vie d’un oiseau, puisqu’il naît et grandit dans le nid des autres et pourtant, il retrouve ses congénères et le chemin de la migration, par ses propres moyens.
Dans les temps reculés, l’être humain a eu ce sens puissant de la migration, mais il l’a oublié excepté les peuples nomades, minoritaires à présent. Aujourd’hui, la plupart des êtres humains ne savent plus voyager sans accessoires pour se guider. Pourtant, nous en avons encore les connaissances. Il faudrait sans doute d’abord en retrouver la motivation.
Même si on inverse les syllabes, coucou se lit toujours coucou. COUCOU, c’est un appel. Quand on fait coucou à quelqu’un, on l’interpelle pour lui dire bonjour, où retenir son attention. Le coucou attire l’attention. Coucou, c’est moi ! Il faut faire attention au sympathique coucou !
Ouh cocu ! (OU COCU). Le cocu est celui qui a été trompé. Comme l’oiseau qui a élevé le petit d’un autre. Attention au coucou, quand on est un oiseau qui vient de pondre !
CUCUL ou CUCU est un redoublement hypocoristique pour cul. L’expression veut dire « Niais, un peu ridicule. Être cucu » et encore plus dans l’expression « Cucul la praline ».
CUCU LUS, cucu l’eu (qui l’a eu !), nous dit que nous avons peut-être été ridicule, niais. Nous avons cru à un leurre, celui du coucou qui fait élever son enfant par un autre.
SUL CUCU, sur le cul. Tellement surpris que je ne tiens plus sur mes jambes. Le coucou nous réserve des surprises, il est aussi l’oiseau qui annonce le printemps en tout premier lieu.
« Le printemps, en Bretagne, est plus doux qu’aux environs de Paris, et fleurit trois semaines plus tôt. Les cinq oiseaux qui l’annoncent, l’hirondelle, le loriot, le coucou, la caille et le rossignol, arrivent avec des brises qui hébergent dans les golfes de la péninsule armoricaine. »
Mémoires d’outre-tombe, Tome 1. – François René de Chateaubriand
Le rougegorge, aigle des forêts, et maître es sympathie.

Erithacus rubecula.
Le Rougegorge familier se présente comme un petit oiseau rond, avec des ailes courtes. L’adulte est aisément reconnaissable à la couleur orangée qui envahit tout le devant du corps.
« Le chant est très caractéristique. C’est une suite de notes sifflées et roulées, de tonalité élevée, qui semble couler naturellement au long d’une phrase continue. Cette espèce a la particularité de connaître une reprise du chant à l’automne, chant qui servira aux mâles en hiver à défendre un territoire alimentaire. Ce chant est réputé plus doux que le chant printanier. En dehors de cela, le rouge-gorge émet un son « tic » plus ou moins accéléré ou saccadé selon les situations. »
Il est très prompt à défendre son territoire. Petit, il mesure environ 14 cm, queue comprise, mais réputé plus courageux qu’un aigle. Le Rougegorge familier est un oiseau au comportement solitaire et territorial. Les mâles s’affrontent, poitrine haute, tout en vocalisant abondamment, même pendant l’hiver. Ils poursuivent les autres mâles pour les refouler hors des limites qu’ils se sont fixées. C’est un oiseau assez peu farouche. Il arrive qu’il s’approche d’une personne en train de jardiner pour récupérer un ver ou un insecte.
Le rougegorge n’est pas du tout grégaire. On ne le voit jamais en groupe. Il migre en solitaire et de nuit. Ils arrivent à un endroit donné, sans former de groupe organisé. Au contraire, ils manifestent entre eux une certaine agressivité. Les querelles territoriales peuvent aller jusqu’à de sérieuses prises de bec qui durent, en principe sans issue fatale. Il peut vivre 15 ans.
Rougegorge et gorgerouge. Se lit dans les deux sens, comme coucou, mais les deux syllabes ont des définitions différentes. La gorge est rouge. Il affiche la couleur. C’est un plastron qui lui permet d’intimider ses adversaires. Le poitrail rouge parle de vaillance et de passion. En réalité, ce poitrail est plutôt couleur rouille ou orangé.
Égorge rouge, EGORGE ROUG, C’est un guerrier : il tranche la gorge et le sang l’éclabousse. Il se bat volontiers, dans la réalité, la plupart du temps sans donner la mort.
Il existe de nombreux mythes et traditions à propos du rougegorge. Il est est lié aux légendes du feu, le rouge et le feu représentant la force vitale créatrice. Certains ont pu voir en lui également un besoin de chanter son propre chant pour s’affirmer, avec le projet d’aller de l’avant.
Les Celtes considéraient le rougegorge comme un ami sympathique avec qui le contact était facile, et avec lequel il était intéressant de développer une relation régulière et familière, dans son milieu naturel, afin de nourrir leur propre capacité de sympathie. Cette relation aidait les personnes colériques ou trop sévères à développer l’amitié envers elle-même et envers l’entourage.
Nous pourrions nous inspirer de cet enseignement celtique en invitant l’esprit du rougegorge dans notre vie quotidienne – dans tous les domaines : familial, professionnel, scolaire, social, politique… Et tant que cela est encore possible, nous relier au rougegorge dans la nature, préférant sa présence réelle à son image.
Adorable rougegorge (Robin rapture)
« Cher esprit de joie personnifiée,
Tu as rythmé pour nous les saisons,
Et maintenant que les dieux ne te laissent plus chanter
Je fredonne pour toi une chanson.
Oui, mon sentiment peut sembler idiot
Peut-être saugrenu,
Mais s’il n’y a pas de Paradis pour un oiseau,
Qu’il n’y en ait pas pour moi non plus. »
Robert W. Service, traduit de l’anglais.
L’étourneau sansonnet, un cerveau !
Sturnus vulgaris – Common starling
L’extension « sansonnet » est un diminutif qui lui vient du fait qu’il est le premier oiseau que l’on entend chanter tout au début du printemps. Il chante le bec largement ouvert.
C’est un oiseau noir, plus petit que le merle avec lequel on le confond, mais sa silhouette est différente. La queue est assez courte et dépasse de peu les ailes au posé. Le mâle a le bec jaune avec la base bleutée. Cette base est rosâtre chez la femelle. Le mâle a les pattes d’un rouge plus vif. Il a un plumage moucheté qui peu à peu au cours de l’hiver devient noir brillant avec des reflets verts ou violets, en raison de la mue.
Le trait caractéristique de comportement de l’étourneau est son mode de vie très grégaire tout au long de l’année, un peu moins au moment de la nidification par nécessité. Même pendant cette période, les mâles rejoignent les dortoirs coloniaux (les oiseaux se rassemblent pour la nuit). Dès que les jeunes sont émancipés, les familles se regroupent, se nourrissent et dorment ensemble.
L’Étourneau est un oiseau très vocal, en relation avec son tempérament très grégaire. Les individus du groupe gardent le contact en permanence. « Les cris différents sont très nombreux. Le plus fréquent est le « tchrrrriiiiii » prolongé. Le « heinnnn » d’inquiétude, et les « tenk » puissants en vue d’un prédateur. Les jeunes au nid quémandant avec des « srrii srrii srii » incessants. Le chant est une longue phrase faite de sifflements divers alternant avec des syllabes plus mélodieuses. Des notes grinçantes et discordantes, des trilles, des roulades ponctuent les phrases. Il inclut des imitations de très nombreuses espèces : loriot, buse, foulque, etc. » Ces multiples capacités vocables ont fait qu’on a cru dans le passé qu’il était capable de prononcer des formules magiques, comme messager ou magicien.
Le vol de l’étourneau est énergique, rapide et direct. Lorsqu’il recherche sa nourriture au sol, il procède par petits vols brefs. Ils sont capables de voler en groupe comprenant plusieurs milliers d’oiseaux avant de descendre au dortoir, formant des volées denses qui se meuvent en arabesques. Évoluer de la sorte en groupe avec des changements de direction instantanés implique une grande capacité cognitive et de communication visuelle interindividuelle. Le rôle du cervelet est très important. En présence d’un prédateur comme l’épervier, les étourneaux resserrent le vol en groupe, et forment « la boule ». Il leur arrive d’attaquer d’autres oiseaux de cette façon.
Nous pourrions retenir de lui cette capacité de voler ensemble sans s’entrechoquer, et de former « la boule » dans le danger, sans discrimination.
C’est par un jeu de mots que l’on a dit que l’étourneau est étourdi, parce que ce petit oiseau au vol saccadé et rapide donne l’impression de ne pas savoir où il va. Ce n’est pas du tout le cas. Et quand il se fracasse contre une fenêtre à toute vitesse, ce n’est pas par maladresse, c’est que le reflet de la vitre l’a fourvoyé.
Et tourne haut, ET TOURNE AU. Ils volent ensemble par milliers, se tournant autour sans se heurter grâce à leur grande acuité cognitive. Au tour net, AU TOUR NET. Ils tournent instantanément, sans hésitation.
« Celui qui croit que l’étourneau est un fléau ignore tout de la façon de penser des étourneaux. »
Les plus qu’humains, Théodore Sturgeon.
Le pigeon, partir loin et revenir.
Columba palumbus – Common wood pigeon
Le pigeon ramier est un grand pigeon. On le reconnaît aussi à sa silhouette allongée, à la marque blanche qui orne la base de son cou. Chez le mâle, ces tâches sont souvent plus développées et la poitrine plus colorée que la femelle.
« Le chant du pigeon ramier est très sonore, de tonalité basse et légèrement rauque. La phrase de base, invariable, est « kouh kouh kouhkouh kouh kouhkouh kouhkouh kouh ». Les syllabes s’organisent en quatre fréquences proches. C’est le roucoulement familier qu’on peut entendre partout en milieu arboré au printemps, et en ville, dans les parcs et jardins. La tonalité basse est faite pour passer la barrière du feuillage. Le cri territorial est un « wouhhkouuuh » plus ou moins étiré. Le couple dans l’intimité produit des sons gutturaux. En dehors de la période de reproduction, les pigeons ramiers sont silencieux ».
Dès la reproduction terminée, ils deviennent grégaires. Ce sont d’abord des groupes familiaux qui se rassemblement pour exploiter ensemble les ressources locales et passent la nuit ensemble dans les arbres.
Le pigeon ramier est un migrateur partiel. Ceux d’Europe de l’Ouest sont le plus souvent sédentaires, tandis que ceux d’Europe septentrionale, centrale et orientale, soumise à des rigueurs hivernales, sont migratrices. À l’automne, essentiellement en octobre, de grands groupes de plusieurs milliers d’oiseaux migrent vers l’ouest du continent et le pourtour méditerranéen où ils passeront l’hiver. À l’origine, le pigeon ramier était plutôt farouche vis-à-vis de l’humain, mais ils se sont rapprochés de lui probablement en raison de l’agriculture. Ils sont aussi devenus urbains et vivent dans les parcs et les jardins arborés. Ils nidifient alors sur les bâtiments.
Le pigeon ramier à un vol énergique, rapide et direct. Les battements de ses ailes sont puissants. Il peut voler longtemps et à grande vitesse, et même se déplacer verticalement. C’est pour cette raison qu’on l’a autrefois utilisé comme messager qu’on appelait le pigeon voyageur. En outre, le pigeon a un sens extraordinaire pour retrouver son lieu de vie original, quelle que soit la distance qui l’en sépare.
Il est plein de ressources et intelligent. La coopération et la communauté sont très importantes pour lui. Il s’adapte facilement. Paisible en groupe, il ne fait pas de mal aux autres animaux qui vivent dans son environnement. Nos ancêtres ont vu en lui un symbole vivant de la douceur, de l’amour et des moeurs légères. Aussi simple et compliqué qu’il puisse paraître, le pigeon est difficile à tromper. Il est très attentif à son environnement, plus que d’autres oiseaux. Il est difficile de le prendre au dépourvu. Cette capacité a voulu qu’il incarne également la capacité de voir au-delà des intentions des autres.
Alors d’où vient le terme « pigeonner » qui veut dire duper ? Au Moyen Âge, on utilisait souvent un pigeon comme appât pour attraper un faucon. « Se faire pigeonner » signifie que l’on est stupide au point de se faire utiliser dans un but précis. Est-ce un paradoxe si cet oiseau intelligent et paisible a été dupé afin d’appâter le faucon ? Non, c’est le fait de l’être humain. Dans la nature, le faucon est le prédateur du pigeon, mais celui-ci ne se laisse pas duper et s’il ne lui échappe pas, c’est parce que le faucon a été plus rapide que lui et non parce qu’il a été stupide.
On pige, ON PIGE, même si on a pu se faire pigeonner, on a la capacité de comprendre. Piger a trois sens : mesurer (à la pétanque par ex.), payer proportionnellement au travail fourni (dans la rédaction), saisir par le regard ou l’intelligence. Il y a toujours une notion de justesse quand on pige.
Le pigeon démontre que partir loin n’empêche pas le sens du chez-soi, les deux ne sont pas rédhibitoires. On peut retrouver son chez-soi, même après être parti très loin et longtemps. Où qu’il se trouve, là-bas ou ici, il demeure éveillé à ce qui se passe dans son environnement.
(Hélas, les proverbes ou textes avec le mot « pigeon » sont si affligeants que je me suis abstenue).
Le moineau, illustre inconnu.
Moineau – Passer domesticus – House sparrow.
Le « piaf » est commun en milieu urbanisé et peu farouche, si bien que le passant ne fait plus attention à lui. « Pourtant cette petite boule de plumes sautillante, robuste et effrontée mérite toute notre attention ».
Le mâle adulte a un plumage sobre, mais assez haut en couleur si on le regarde bien. La tête comporte une calotte grise, la nuque est couleur châtaigne, les joues blanches et la gorge noire. Le dessus présente des teintes chaudes, marron et chamois, avec des stries noires longitudinales. La femelle a un plumage plus discret, dépourvu des teintes chaudes du mâle.
» Le moineau n’a pas vraiment de chant. Il émet des cris à valeur territoriale, brefs et répétés, inlassablement. Le mâle est vocalement actif très tôt dans l’année, dès janvier. Il affirme son territoire, en répétant ses « tchip, tchiup » ou « tchirp » perché sur un toit, une cheminée, un mur ou un arbre, tout poste proche de la cavité convoitée pour le nid. C’est cette suite de cris incessants qu’il lui a valu son surnom de « piaf ».
Le moineau domestique vit partout où l’humain est présent et a construit des bâtiments. Il lui faut un minimum de surfaces végétalisées où il trouvera sa nourriture, les matériaux du nid, et un refuge en cas de danger. Il est absent des milieux forestiers fermés ainsi que des endroits trop désertiques. Il est sédentaire et grégaire. Il passe toute sa vie dans le lieu où il est né, et il y est visible en toute saison. Il recherche toujours la compagnie des autres individus de son espèce. Les moineaux nichent en colonies, parfois en compagnie du moineau friquet. Ils recherchent ensemble leur nourriture, s’exposent ensemble aux rayons solaires en procédant à leur toilette, échangent une flaque d’eau ou de sable pour un bain. Ils passent la nuit dans des dortoirs communs et peuvent se rassembler par plusieurs centaines, serrés les uns contre les autres en donnant de la voix avant la nuit.
La parade nuptiale est spectaculaire. Plusieurs mâles se rassemblent en criant autour d’une femelle, le bec pointé vers le ciel, la poitrine bombée, les ailes entrouvertes tombant jusqu’au sol, la queue déployée et dressée. La femelle leur répond par des coups de bec et ils s’envolent. Ces parades finissent souvent en batailles entre mâles, même en l’absence de femelle. Ils sont monogames et s’apparient pour la saison.
Un déclin du moineau domestique s’amorce, lié aux changements dans les pratiques agricoles et les méthodes d’assolement. Depuis les années 80, il décline beaucoup dans les grandes villes, en Europe et sur le continent américain. Il est en train de disparaître à Paris. L’habitat moderne, de plus en plus bétonné, ne procure plus au moineau de quoi se nourrir et la rénovation des bâtiments le prive de ses sites de nidification.
Partout dans le monde, on lui attribue des valeurs négatives. Moins en France où cet oiseau a la réputation de refuser manger dans la main des hommes mauvais. De plus, une légende moyenâgeuse veut que les moineaux qui font leur nid près d’une maison apportent la chance et le bonheur. Dans les Ardennes, la journée sera excellente si en se levant, on voit un vol de moineau. Les Romains l’associèrent aux divinités protectrices et domestiques du foyer et du garde-manger, sans doute parce qu’il protégeait leur nourriture des insectes.
Les hommes-médecines disent du moineau qu’il nous enseigne peut-être une façon de se cacher tout en étant parfaitement visible. Seuls ceux qui leur portent de l’intérêt apprécient ce qu’il y a de spécial en eux, développant leur capacité de voir les détails.
Le moineau nous relie à une dimension mystique dans l’ordinaire et le quotidien, dans ce qu’on ne remarque pas, dans ce qui passe inaperçu dans la société d’aujourd’hui. Il incarne la grâce de la simplicité, l’importance de la vie au jour le jour. Être en harmonie avec ce qui n’a rien d’éclatant, de rapide ou d’intense, demande de la patience et un changement de vision. Cette humilité mène à la capacité d’aimer l’ordinaire.
Moineau, au moine, AU MOINE, avec son plumage brun comme la bure des moines, il a une apparence simple, dépouillée (c’est de là qu’il tiendrait son nom). Moins haut, MOIN EAU, il vole moins haut que les autres, mais au moins, EAU MOIN, cela ne l’empêche pas de trouver l’eau, l’élément essentiel à la vie, muni en eau, MUNI A O. O, oh !, nous appelle à accepter de nous laisser surprendre, de nous laisser nous Ouvrir sur le chemin de la connaissance.
Je suis né moineau
« Sur le bord d’un toit.
Je suis comme il faut
Que le moineau soit.
Allègre, narquois,
Tout en petits sauts,
Je suis né moineau,
En mai sur le toit.
Je ne suis pas beau
Et j’ai peur des chats.
Oui, mais quelle joie
Quand je crie là-haut
Sur le bord du toit ».
Maurice Carême
Nous pourrions parler de bien d’autres oiseaux familiers : corneille, pie, mésange, hirondelle, mouette et sterne, etc. Toutes les espèces d’oiseaux ont leurs particularités qui peuvent nous intéresser, voire nous toucher. À l’intérieur de chaque espèce, des individus auront des histoires à la fois semblables et différentes. Les moineaux qui piaillent sur le parking, le couple de pigeons qui se pose sur le balcon où dans l’arbre du jardin, savons-nous qui ils sont vraiment ? Depuis des générations, ils vivent là. Cette rencontre ne se fait pas par hasard. Là où nous habitons, c’est là où ils vivent aussi. Le simple fait de partager un espace ne devrait-il pas nous rapprocher, plutôt que nous opposer, car nous avons vite fait de leur trouver une influence nocive : ils salissent, pillent et font du bruit… Pouvons-nous nous vanter d’avoir un meilleur impact sur notre environnement en tant qu’être humain ?
Bibliographie :
Petite philosophie des oiseaux, Philippe Jacques Dubois, ed de La Martinière, 2018.