Que penser d’une police des animaux ?

Une police des animaux peut-elle se révéler efficace contre la maltraitance animale ? Est-il nécessaire d’en créer une pour faire avancer cette cause ? Si la reconnaissance des droits des animaux en tant qu’êtres sensibles est établie dans un certain nombre de pays, la loi n’est pas suffisamment appliquée faute de moyens, avec à l’origine l’absence probable d’une véritable volonté politique.

Certains lecteurs peuvent penser que la création d’une unité de police n’est pas recevable pour différentes raisons personnelles et idéologiques. Il est question ici de s’intéresser aux formes officielles de traitement de la violence envers les animaux et comment elles se déclinent dans les pays où de telles institutions existent.

La réalité se passe des lois

En France, La loi stipule que « tout animal est un être sensible et doit être placé par son propriétaire dans des conditions respectueuses de sa nature et son bien-être. Elle interdit d’infliger des mauvais traitements à un animal domestique ou à un animal sauvage apprivoisé ou tenu en captivité. Ces maltraitances peuvent être signalées à la police ou la la gendarmerie, aux services vétérinaires de la DDPP (direction départementale de protection des populations) ou à une association de protection animale. Elles sont punies par le code pénal.

Néanmoins, il faut fournir un maximum de détails sur les faits et le lieu pour qu’une enquête puisse être ouverte, si possible avec photos ou vidéo à l’appui. Les associations et fondations nationales de protection animale peuvent être contactées par téléphone ou par mail. Elles disposent d’un réseau d’informateurs et d’enquêteurs en lien avec la gendarmerie et les services vétérinaires. Les cas de maltraitance sur internet peuvent être également signalées sur le site Pharos. Ce site est géré par des policiers et gendarmes spécialisés. »

Malheureusement dans la réalité, très souvent, ces démarches s’avèrent vaines. La police n’intervient pas dans les cas de maltraitance animale justifiant son inaction par le manque d’effectif (ce qui peut être vrai). En résumé, elle n’a pas le temps. Les associations débordées par les cas d’abandon et d’animaux en difficulté de tous ordres n’ont pas assez de moyens, notamment en terme de places et la plupart du temps, elles ne répondent pas aux messages qu’on leur laisse. La réalité est qu’une grande quantité de cas ne sont pas gérés et les animaux ne sont pas secourus, advienne que pourra !

Existe-t-il une police des animaux ?

En Europe, il existe deux pays où a été créée une véritable police des animaux. Tout d’abord, la Norvège : L’expérience a commencé en 2015 et s’est élargie, car elle a été jugée utile. Cette organisation a été approuvée par le gouvernement et un budget a été consacré à sa mise en œuvre. L’Autorité norvégienne de sécurité alimentaire et la Direction de la police norvégienne ont estimé qu’une telle organisation a permis d’améliorer les enquêtes, la sécurisation des preuves et la préparation des dossiers. Il s’avère également que la maltraitance des animaux inquiète beaucoup le public et l’existence d’une telle brigade est approuvée par les citoyens. Désormais, la plupart des districts norvégiens sont dotés d’une unité spécialisée. Enfin, le lien entre la criminalité et des délits envers les animaux a été clairement constaté. La maltraitance envers les animaux est souvent accompagnée de violence envers les congénères humains et principalement les membres de la famille.

En second lieu, les Pays-Bas : Il existe un numéro de police dédiée aux urgences animales. Ce service est assuré par des policiers formés. Cette unité est composée d’agents qui cherchent des solutions pratiques pour venir en aide aux animaux en détresse. Les actions sont réalisées par des patrouilles. De même qu’en Norvège, les agents constatent que la violence envers les animaux est souvent en lien avec la situation et le comportement du propriétaire. En 2012, le nouveau gouvernement libéral voulait supprimer ce service, mais la police nationale a insisté pour qu’il soit maintenu, au moins dans une version réduite.

Ce sont les deux seuls pays européens où une unité de police œuvre aux respects des droits des animaux. Qu’ont-elles montré ? D’abord, que la violence envers les animaux accompagne celles commis par les humains envers les humains. Il n’est pas surfait de souligner que la plupart des tueurs en série ont été cruels envers les animaux dès leur enfance. Ensuite, une telle structure a pu encourager les procureurs et les juges à faire appliquer les lois relatives à la protection et au bien-être animal avec plus d’efficacité et de sévérité. Enfin, une police spécialisée traitant les crimes contre les animaux, systématise les procédures de poursuite pénale et de condamnation, et elle a aussi un rôle préventif. Ces policiers ont une action de protection animale, mais aussi sociale en recherchant des solutions pour les propriétaires en difficulté, par exemple. Leurs actions va du sauvetage des animaux en danger vital par maltraitance ou accident, à ceux qui sont séquestrés. Les peines encourues consistent en heures de service communautaire, en interdiction d’acquérir un animal de compagnie pour une durée déterminée, mais aussi en peine de prison et en amende très lourde (jusqu’à 20 000 euros).

En Wallonie, il existe un code du Bien-être des animaux et un permis de détention d’un animal de compagnie devenu effectif depuis juillet 2022. Il est désormais nécessaire de présenter un extrait du fichier de délinquance environnementale et du bien-être animal pour acquérir un animal de compagnie que ce soit l’acheter, l’adopter ou le recevoir. Cet extrait est délivré par l’administration communale et doit prouver que la personne n’est pas interdite de détenir un animal de compagnie. Ces peines sont prononcées par un juge ou un fonctionnaire ayant une autorité de sanction. Ce permis concerne tout animal dit de compagnie y compris les animaux de ferme élevés dans ce cadre. Il ne concerne pas les éleveurs ou les professionnels de l’alimentation.

Dans tous ces pays, les animaux de consommation sont placés sous la surveillance de l’Autorité de sécurité alimentaire.

Animal Cruelty Unit

En dehors de l’Europe, il est intéressant de citer le cas de l’unité de police qui combat la maltraitance animale dans la ville de New-York, district du Queens. Cette unité spéciale a été créée en 2016. Elle a d’abord été dirigée par une femme connue pour son engagement en faveur de la cause animale, Nicoletta J.Caferri, avocate passionnée par son travail et qui connaissait très bien la loi fédérale sur la cruauté animale. Elle soulignait également que les actes criminels envers les victimes animales innocentes peuvent conduire à des crimes contre des humains. Selon elle, dans une société civilisée, de tels actes ne peuvent pas être tolérés, qu’ils soient commis envers des animaux ou des humains. Cette unité traque les cas de négligence, les abandons, les blessures physiques et les assassinats, les combats de chiens ou de coqs.

En décembre 2022, cette unité existe toujours. Elle a une page dédiée sur le site queensda.org. Elle est désormais dirigée par Melinda Katz, district attorney. Sur sa page Facebook, on peut lire parmi d’autres messages sur la violence (envers les femmes notamment) :

« Today is AnimalRightsDay, a time to recommit ourselves to protecting the rights of our furry friends. If you suspect abuse or neglect, call 911 or 311. Our Animal Cruelty Prosecution Unit works closely with first responders to hold perpretrators accountable. »

« Aujourd’hui, c’est l’AnimalRightsDay, un moment pour nous engager à nouveau à protéger les droits de nos amis à fourrure. Si vous soupçonnez un abus ou une négligence, appelez le 911 ou le 311. Notre unité chargée des poursuites en cas de cruauté envers les animaux travaille en étroite collaboration avec les premiers intervenants afin de faire rendre des comptes aux auteurs de ces actes. »

« Animals are voiceless members of our community who deserve proper care. This defendant has been charges with 90 criminal counts for failing to provide needed sustenance to 45 puppies and dogs. He now faces justice in our courts. Thank you ASPCA and the NYPD Animal Cruelty Investigation Squad for rescuing these animals and providing them with much-needed care. (…) »

« Les animaux sont des membres sans voix de notre communauté qui méritent des soins appropriés. Cet accusé a été inculpé de 90 chefs d’accusation pour avoir omis de fournir la nourriture nécessaire à 45 chiots et chiens. Il doit maintenant faire face à la justice dans nos tribunaux. Merci à l’ASPCA et au NYPD Animal Cruelty Investigation Squad d’avoir sauvé ces animaux et de leur avoir fourni les soins dont ils avaient tant besoin. (…). »

D’autres formes d’organisation

Il existe d’autres formes d’institutions de protection animale ayant une action plus ou moins directe dans la prise en compte de la maltraitance animale.

Ainsi en Grande-Bretagne, la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA), ayant bénéficié de l’approbation de la Reine Victoria en 1840 est la première organisation au monde fondée dans ce but. Cette société est financée par les dons des membres. Elle emploie des inspecteurs dont la mission est d’identifier des situations de maltraitance, de rassembler des preuves afin de les transmettre aux autorités. Les agents n’ont pas de pouvoir de police, même s’ils ont un uniforme. Ils peuvent néanmoins recueillir les animaux errants ou sauvages en détresse et les prendre en charge, car ils ont des installations vétérinaires.

En France, la BPA (Brigade de protection animale) est une association composée de membres des forces de l’ordre (policiers et gendarmes) engagés dans la lutte contre la maltraitance animale et des représentants d’organismes publics de protection animale. Des civils bénévoles sont enquêteurs, familles d’accueil, vétérinaires et covoitureurs. Les membres de la police ou de la gendarmerie interviennent dans le cadre légal et dans leur secteur. Leurs actions consistent à aider leurs collègues à gérer des situations de maltraitance. Ils organisent des sauvetages et prennent en charge des animaux pour les placer en famille d’accueil ou dans une association et les mettre à l’adoption. Ils peuvent déposer plainte. Ils ont un rôle de sensibilisation à la cause animale. Ils ont pour objectif la création d’une brigade animale officielle dans les forces de l’ordre et communiquent dans ce sens. Dans ce cadre, ils aimeraient développer la lutte contre la maltraitance animale en relation avec les différents corps des forces de l’ordre, les assister dans leurs dossiers, développer la formation des membres, assister les citoyens dans leurs démarches. De cette façon, ils espèrent qu’une brigade animale nationale voit le jour en prouvant son utilité et sa nécessité. Ils ont un site internet dédié à leurs actions où ils donnent des conseils, présentent les animaux à l’adoption, et diffusent les vols d’animaux.

Ainsi, certains pays ont jugé nécessaire de créer une police des animaux. Cela a été rendu possible par des membres des forces de l’ordre engagés au service de cette cause. Une telle police a l’avantage de pouvoir faire appliquer les lois relatives au respect et au bien-être animal, ce qu’une association ou un organisme civil ne peut pas faire directement. Certains lecteurs peuvent considérer que la création d’une unité de police n’est pas une solution. Le fait est qu’il n’y aurait pas besoin d’une police des animaux si leurs droits étaient respectés sans poursuite ni sanction. Dans une société où les droits des humains sont encore souvent bafoués, les animaux passent au second plan, et on peut se demander comment arriver à ce qu’ils soient respectés comme des individus à part entière. Dans les trois exemples d’unité de police précédemment cités, le lien entre la violence envers les animaux et la violence envers les êtres humains est confirmé. Ce n’est pas un biais acceptable pour ceux qui considèrent les animaux à l’égal des êtres humains, néanmoins c’est un facteur qui peut contribuer à ce que cette violence soit sérieusement prise en compte.

RIP Grisette, jolie chatte libre.

Sources :

https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/9020-norvege-une-police-pour-defendre-les-animaux/

https://www.politiforum.no/dyrepoliti-troms-politidistrikt/troms-blir-det-sjette-politidistriktet-med-dyrepoliti/154913

https://www.rtl.fr/actu/international/pays-bas-une-police-speciale-veille-sur-les-animaux-7792071502

https://www.rspca.org.uk

https://www.wallonie.be/fr/actualites/bien-etre-animal-le-permis-de-detention-est-entre-en-vigueur

https://www.brigadepa.com/sauvetages

https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/comment-signaler-maltraitance-animale-quelles-sanctions

https://www.queensda.org/major-crimes-division/animal-cruelty-unit/

https://www.facebook.com/QueensDAKatz